Depuis la réforme de la formation professionnelle de 2018, les marges de manœuvre pour les entreprises n’ont cessé de diminuer en ce qui concerne la formation de leurs salariés. En effet, la fin du plan de formation mutualisé pour les entreprises de plus de 50 salariés, la baisse des budgets OPCO de manière générale ou encore le remplacement de la période de professionnalisation par la Pro-A – plus restrictive – ont été autant de difficultés à surmonter pour la professionnalisation des salariés.
Dans ce contexte, un accord national interprofessionnel (ANI) du 23 avril 2024 relatif à « la reconversion professionnelle et à la mutualisation du coût des indemnités de licenciement pour inaptitude » a été ouvert à la signature, à l’initiative de l’U2P (un des 3 syndicats patronal représentatif).
Parmi les différentes propositions du texte, émerge notamment la création d’une « période de reconversion ». Ce dispositif est censé répondre aux besoins en compétences et en qualifications des entreprises et de sécuriser les reconversions des salariés.
En quoi consisterait ce dispositif et comment serait-il financé ?
C’est ce que nous allons voir dans cet article.
Ce que vise la période de reconversion
Le dispositif vise 2 cas d’usages principaux :
- Le parcours d’intégration et l’aide au recrutement. Cela permettrait aux nouveaux salariés embauchés de se former à occuper un emploi pour lequel ils ne disposent pas des compétences et des qualifications requises ;
- La mobilité interne. Cela faciliterait la reconversion de salariés déjà à l’effectif dans le cadre d’un projet de transformation d’une entreprise.
En quoi consiste le dispositif ?
La période de reconversion permet à un salarié employé dans une entreprise de suivre une formation qualifiante ou diplômante. Cette période alterne formation en entreprise et formation dans un organisme de formation (ANI art. 1).
Il n’y a pas de critère d’ancienneté et peut donc être utilisée dans le cadre d’un parcours d’intégration. Afin de faciliter sa mise en œuvre, il n’y a ni limitation d’âge, ni de niveau d’entrée minimal ou maximal (ANI art. 1).
Afin d’engager les 2 parties dans la démarche, un accord écrit est signé par le salarié et l’employeur, qui consentent ainsi à cet engagement dans le parcours, à ses objectifs et à ses modalités de mise en œuvre (ANI art. 1). Un accord de branche professionnelle peut préciser les modalités de mise en œuvre du dispositif.
La période de reconversion ne suspend pas le contrat de travail du salarié, lui permettant de conserver la même rémunération (ANI art. 1). L’employeur est bien entendu tenu d’aménager le temps de travail du salarié dans les conditions prévues par l’accord (ANI art. 1).
Pour faire écho à ce que prévoit déjà la Pro-A, après obtention de sa certification, le salarié est positionné au minimum au niveau de la classification prévue par la branche professionnelle, si cette classification le permet.
Dans le cas contraire, il retrouve son poste, ou un poste équivalent, dans l’entreprise.
Quelles certifications et quelle durée ?
Les certifications éligibles sont les mêmes que celles visées par les contrats d’apprentissage (RNCP) ainsi que les certificats de qualification professionnelle (CQP) élaborés ou identifiés par les Branches professionnelles. L’identification de la bonne certification peut être réalisée à l’occasion de l’entretien professionnel (ANI art. 2).
En ce qui concerne, la durée maximum, celle-ci est fixée à 12 mois. Un accord d’entreprise ou de branche professionnelle peut toutefois la porter à 24 mois maximum (ANI art. 4).
En revanche, la période de reconversion ne peut pas avoir une durée inférieure à 150 heures.
Ce que la période de reconversion a vocation à remplacer
La période de reconversion serait financé via un redéploiement des enveloppes de 2 dispositifs qui ont peiné à décoller ces dernières années :
- Transitions collectives (Transco) qui permet aux salariés dont les emplois sont fragilisés de suivre une formation en vue de travailler dans une autre entreprise ou d’un repositionnement en interne.
- La Pro-A qui permet aux salariés, sous conditions, de suivre une formation en alternance leur permettant d’obtenir une certification et d’évoluer au sein de leur entreprise.
Ce que la période de reconversion ne remplacerait pas
Certains dispositifs en vigueur qui ont un objet proche ne seraient en revanche pas concernés. Ainsi, serait maintenus :
- Le projet de transition professionnelle (PTP) qui s’adresse aux salariés souhaitant se former en vue d’une reconversion (en général hors de l’entreprise).
- Le contrat de professionnalisation qui vise à former en alternance des personnes en formation initiale ou en reconversion, sans que l’objectif soit l’intégration finale de cette personne dans les effectifs.
Les modalités de financement
On vient de le voir, le budget du dispositif serait issu de la fusion des 2 enveloppes de Transco et la Pro-A. La prise en charge serait, elle, logiquement assuré par les OPCO.
Le niveau de prise en charge s’élèverait à 90 % de celui fixé pour les contrats d’apprentissage en ce qui concerne les certifications RNCP (avec un plafond de 9 000 €) (ANI art. 7).
Ex : Une formation financée 8.000 euros dans le cadre d’un contrat d’apprentissage pourrait l’être à hauteur de 7.200 euros pour une période de reconversion.
Pour les CQP, le niveau de prise en charge est fixé par les branches professionnelles en lien avec le conseil d’administration de l’OPCO compétent. À défaut, c’est la valeur d’amorçage fixée réglementairement qui s’impose (une forme de prise en charge minimum).
Les suites possibles
Il faut bien avoir en tête que cet ANI ne tient pas lieu de loi.
Déjà, pour lui donner du poids, celui-ci doit être signé par le plus possible de syndicats.
Côté salariés, seule la CGT s’est opposée sur le principe au projet.
Côté patronal, la CPME et le MEDEF ont regretté l’initiative de l’U2P et leur signature est donc très loin d’être acquise.
Toutefois, pour être rendu effectif, le projet doit faire l’objet d’un projet de loi par l’exécutif. Certaines dispositions pourraient ainsi être intégrées dans le futur projet de loi « Travail II » qui était attendu à la rentrée de septembre 2024.